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La Comédiathèque - Editions théâtrales

Plus de 100 comédies contemporaines représentées sur les scènes du monde entier

Au bout du rouleau

Un dramaturge au bout du rouleau reçoit une journaliste pour une interview qui pourrait relancer sa carrière. Mais au théâtre les apparences sont parfois trompeuses...

Distribution : 1 homme et 1 femme, ou 2 hommes, ou 2 femmes

Ouvrage publié aux Editions La Comédiathèque
ISBN 979-10-90908-99-4
Octobre 2016
56 pages ; 18 x 12 cm ; broché. Prix TTC : 9,90 €

 

Traductions : 
en espagnol (El último cartucho),
en anglais (Running on Empty),
en portugais (No fim da linha)

 

 

Achat du livre

Pour les libraires : voir les conditions de vente (remise 30%)

Pour les particuliers : achat auprès de votre librairie ou en ligne 

Principaux montages de cette pièce

Une comédie originale sur la difficulté d’écrire. Cette pièce a notamment été représentée en janvier 2018, dans une traduction portugaise, sous le titre No Fim da Linha à Lisbonne, au théâtre Trindade INATEL avec Alexandra Leite et Cláudia Negrão, puis en tournée au Portugal. Elle a fait également l’objet d’un montage El último cartucho à Madrid en 2020, dans une mise en scène de Charlie Levi Leroy et en août 2020 à Santiago de Cuba. Elle a été jouée dans le cadre du Festival d'humour de Karachi au Pakistan en 2021 (Karachi Laughter Fest) organisé par la National Academy of Performing Arts. 

Pièce créée au Mee-sur-Seine, le 25 mars 2017

LIRE LE DÉBUT

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Un salon en désordre. Un homme (ou une femme) somnole dans un fauteuil. Le téléphone sonne, le sortant de sa torpeur. Il décroche comme un somnambule.

Auteur (peu aimable) – Allô ! (Sans prendre le temps d’écouter) Vous allez me dire que le rendez-vous est annulé, c’est ça ? (Reprenant un peu ses esprits) Le Crédit Mutuel ? (Se radoucissant) Ah pardon, non parce que j’attends un journaliste qui doit m’interviewer et... Oui, je sais, un petit découvert, j’ai vu ça... Un gros ? Disons un moyen, alors... Bon, on ne va pas jouer sur les mots, non plus... Ne vous inquiétez pas, je m’apprêtais justement à sortir pour aller déposer un chèque que je viens de recevoir... Une avance pour l’écriture de ma prochaine pièce, oui... Vous allez au théâtre de temps en temps ? Non bien sûr, ce n’est pas le sujet... Écoutez, la ligne n’est pas très bonne... Ah, je crois que j’ai entendu sonner, ça doit être mon journaliste... Oui, c’est ça, je vous rappelle... Ah, là je ne vous entends plus du tout... Je vais vraiment être obligé de raccrocher...

L’auteur raccroche et soupire. Il émerge lentement, un peu dans le coltard, et se lève. Son allure et sa tenue sont assez désordonnées.

Auteur (au public) – Être ou ne pas être...? Shakespeare avait raison, c’est bien la question. En tout cas, moi, c’est ce que je me demande tous les matins en me regardant dans la glace. (S’adressant éventuellement à quelqu’un de jeune dans la salle) Quand on est jeune et beau, évidemment, la réponse ne fait aucun doute. Mais passé un certain âge... Être ou ne PLUS être...? Croyez-moi, c’est toute la question. Et malheureusement, la réponse qui s’impose, c’est souvent... on ne peut pas être et avoir été. Et là, ce n’est pas du Shakespeare... C’est la triste réalité, vous verrez. Après, on peut toujours se rassurer en se disant... je pense donc je suis. Tu parles...! Je ne sais pas si ça rassure les vieux qui ne peuvent plus rien faire d’autre que de penser. Penser à quoi d’abord ? À mon passé pas très simple ? À mon présent très imparfait ? À mon futur franchement conditionnel ? Être encore ou ne plus être auteur de théâtre ? Pour moi, c’est ça la question... Un bon conseil, ne devenez jamais dramaturge. Moi, j’ai fait ça parce que je ne savais vraiment rien faire d’autre. Mais si vous avez la moindre disposition, devenez plutôt instituteur ou péripatéticienne. Enfin... un métier que vous pourrez exercer toute votre vie à temps plein. Vous savez comment on appelle les comédiens ? Des intermittents. Ça veut dire que professionnellement, ils n’existent que par intermittence. Eh bien les dramaturges, c’est pareil. Un comédien qui ne joue pas, ce n’est plus tout à fait un comédien. Et un auteur qui n’écrit pas, ce n’est plus un auteur. C’est sûrement à ça qu’il pensait, le grand Shakespeare, quand il a écrit « être ou ne pas être ». Il devait être en panne d’inspiration, comme moi en ce moment. Enfin quand je dis en ce moment. Ça fait déjà pas mal d’années que ça dure (Un temps) C’est bizarre, j’ai fait un drôle de rêve. J’étais sur scène avec un partenaire de jeu. La salle était vide. On se demandait si quelqu’un allait venir. Et puis tout d’un coup, on se rendait compte que la salle était pleine. Le drame, c’est que... on n’avait rien à jouer. Sans doute parce que l’auteur n’avait pas réussi à trouver une idée pour écrire la pièce. Pour un auteur, l’angoisse de la page blanche, c’est comme la peur du trou noir pour un comédien. C’est dramatique...

Une sonnette retentit. Il hésite un moment. Il se regarde dans une glace, remet un peu d’ordre dans ses vêtements, et se passe un coup de peigne. Nouveau coup de sonnette.

Auteur – Oui, oui, c’est bon, j’arrive...

Il se décide à aller ouvrir, et revient un instant après suivi d’une femme (ou d’un homme), plus jeune, habillée de façon plus moderne, et l’air beaucoup plus en forme.

Visiteuse – Merci de me recevoir, Monsieur Doutreligne.

Auteur – Dentreligne.

Un peu surprise par le désordre du lieu.

Visiteuse – Pardon ?

Auteur – Pas Doutreligne. Dentreligne. Charles Dentreligne. C’est mon nom. Je pensais que vous saviez au moins ça...

Visiteuse – Bien sûr, excusez-moi. C’est un pseudo, j’imagine ?

Auteur – Non, pourquoi ?

Visiteuse – Ah je ne sais pas... Dentreligne, pour un écrivain... Dans ce cas, si je peux me permettre, c’est un nom prédestiné.

Auteur – Quand je choisirai un pseudo, je prendrai Doutretombe. Au moins, je suis sûr que mes Mémoires se vendront bien.

Visiteuse – Ah oui... (Jetant un regard inquiet vers l’auteur) Je ne vous réveille pas, au moins...

Auteur – Me réveiller ? Mais pas du tout ! Qu’est-ce qui vous fait penser que vous pourriez me réveiller ?

Visiteuse – Ah je ne sais pas, je...

Auteur – D’ailleurs il est quelle heure ?

Visiteuse – Je suis désolée, je n’ai pas de montre.

Auteur – C’est sûrement pour ça que vous êtes en retard.

Visiteuse – En retard ? Mais... vous ne savez même pas quelle heure il est...

Auteur – Vous n’êtes pas journaliste pour rien, vous... Vous avez réponse à tout. Bon, alors on la fait, cette interview, oui ou non ? Je n’ai pas que ça à faire, moi.

Visiteuse (entre ses dents) – Si vous le dites...

Auteur – Pardon ?

Visiteuse – Non, je disais... Oui, allons-y ! On est là pour ça, non ?

Auteur – D’ailleurs, vous avez de la chance. Je n’accorde jamais d’interview.

Visiteuse – On vous en demande souvent ?

Auteur – Moins maintenant, c’est vrai. Mais... à l’époque où on m’en demandait, je refusais aussi.

Visiteuse – D’accord...

Auteur – Vous êtes de celles qui pensent que la vertu des femmes est inversement proportionnelle à leur sex appeal, c’est ça ?

Visiteuse – Pas du tout... Enfin si, mais... Ce n’est pas ce que j’ai voulu insinuer...

Auteur – Qu’est-ce que vous vouliez insinuer, alors ?

Visiteuse – Mais rien du tout...

Auteur – Si ! Vous avez dit : ce n’est pas ce que j’ai voulu insinuer. C’est donc que vous vouliez insinuer quelque chose !

Visiteuse – Je me suis mal exprimée, c’est tout.

Auteur – Une journaliste qui s’exprime mal, ça m’a l’air bien parti, tout ça...

Visiteuse – Excusez-moi.

Auteur – Alors pourquoi vous me posez cette question ?

Visiteuse – Quelle question ?

Auteur – Vous m’avez demandé si on me demandait encore beaucoup d’interviews.

Visiteuse – Je ne sais pas... Je suis là pour vous poser des questions... C’est le principe d’une interview, non ?

Auteur – Des vraies questions, oui... Pas des questions à la con.

Visiteuse – Vous voulez dire des questions de journaliste, sans doute.

Auteur – Je déteste les journalistes...

Visiteuse – En général, les gens connus détestent les journalistes...

Auteur – Oui, on se demande pourquoi...

Visiteuse – C’est pourtant grâce aux journaux que les inconnus sortent un jour de l’anonymat...

Auteur – C’est un point de vue.

Visiteuse – Un point de vue de journaliste.

Auteur – Ce sont aussi les gens connus qui font vendre les journaux.

Visiteuse – Tout à fait, le rôle des journaux est aussi de parler des gens connus... Pour qu’on ne les oublie pas...

Auteur – Vous êtes venue me voir pour parler de la société du spectacle ou pour me poser des questions sur mon œuvre ?

Visiteuse – J’y viens, rassurez-vous. (Jetant un regard sur la pièce) Je peux m’asseoir ?

Auteur – Allez-y, je vous en prie...

Visiteuse – Merci...

Elle s’assied. Silence gêné. Il se reprend un peu.

Auteur Excusez-moi, on est partis sur un mauvais pied, tous les deux.

Visiteuse – Aucun problème, je vous assure...

Auteur – Je n’ai plus trop l’habitude de voir du monde, c’est vrai. Je suis devenu un peu ours, je crois...

Visiteuse – Ne vous excusez pas, c’est normal... Je débarque comme ça, chez vous...

Auteur – Vous voulez quelque chose ?

Visiteuse – Oui... En fait, j’aurais aimé vous poser quelques questions.

Auteur – Je voulais dire quelque chose à boire.

Visiteuse – Ah oui, pardon... Eh bien... Je n’aurais rien contre un café.

Auteur – Je n’ai plus de café. Enfin, j’ai du café, mais je n’ai plus de cafetière. Elle est tombée en panne il y a... déjà pas mal de temps. J’ai continué à faire du café pendant quelques mois, en faisant chauffer l’eau dans une casserole, et en me servant d’un Kleenex comme filtre. Et puis quand je suis tombé en panne de Kleenex, j’ai décidé de me passer de café.

Visiteuse – Ce n’est pas grave, ne vous dérangez pas.

Auteur – Je peux vous faire une tisane, si vous voulez. Camomille ? Je vous préviens, je n’ai pas de sucre.

Visiteuse – C’est très tentant mais... Merci, ça ira.

Auteur – Bon... Dans ce cas, je vous écoute...

Visiteuse – Très bien, alors... Ma première question sera... est-ce que vous écrivez à la main, ou avec un ordinateur ?

L’auteur reste un moment interloqué.

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