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La Comédiathèque - Editions théâtrales

Plus de 100 comédies contemporaines représentées sur les scènes du monde entier

Un petit meurtre sans conséquence

De l’adultère involontaire à l’homicide du même nom, il n’y a qu’un pas, aisément franchissable. Plus difficile est de faire disparaître le corps du délit…

 

Ouvrage publié aux Editions La Comédiathèque

ISBN 978-2-37705-097-0
Juillet 2017 - 62 pages ; 18 x 12 cm ; broché.
Prix TTC : 9,90 €

 

Montages en Bulgarie, au Portugal, au Pakistan, en Espagne, en France…

 

 

 

Achat du livre

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Principaux montages

Sofia (Bulgarie) - Sept 2022
Karachi Pakistan sept. 2022
Madère Portugal sept. 2022
Teatro Lara à Madrid - Mai-Juillet 2022
Cascais (Portugal) - Mai 2022
Comédie des Suds - Janvier 2020
San José, Costa Rica - Mars 2021
Arcachon - Février 2022
Nicaragua - septembre 2022

 

 

 
 
 
 

 

Lire le début

Un salon bourgeois-bohème, quelque peu en désordre. Un téléphone portable abandonné par terre sonne dans le vide. Alban arrive, visiblement préoccupé. Il a du sang sur les mains. Il regarde le portable sans le prendre.

Alban – Et merde...

Le portable cesse de sonner. Il sort un mouchoir, prend délicatement le portable avec et le glisse dans sa poche. Il remet à la hâte un peu d’ordre dans la pièce. Il ramasse sur le sol une chemise maculée de sang, qu’il examine effaré.

Alban – Oh, non, ce n’est pas vrai...

On sonne. Il fourre la chemise sous un coussin du canapé. Nouvelle sonnerie.

Alban – J’arrive !

Il disparaît un instant pour aller ouvrir et revient à la suite d’Ève, sa femme.

Ève – Excuse-moi, j’ai encore oublié mes clefs. De toute façon, tout va de travers, aujourd’hui. J’étais commise d’office pour défendre une femme accusée d’homicide volontaire. Tu vas rire. Une bricoleuse qui a découpé son mari en trois morceaux à la scie-sauteuse. Et figure-toi que... (Elle s’interrompt en remarquant qu’Alban ne l’écoute pas.) Ça n’a pas l’air d’aller, toi... Tu bloques toujours sur ta nouvelle idée de pièce ?

Alban – Oui, mais ce n’est pas le problème...

Ève – Tu commences à me faire peur. C’est quoi le problème ? Ne me dis pas que ta mère vient dîner ?

Alban – Non, non, rassure-toi...

Il s’assied sur le canapé.

Ève – Dans ce cas, ça ne peut pas être si grave que ça. À propos, qu’est-ce que tu veux manger ? Je n’ai pas trop envie de faire la cuisine... On pourrait commander des sushis, et les manger en regardant la télé, non ?

Alban – Oui... Enfin, non... Je n’ai pas trop la tête à ça, tu vois.

Ève – Je ne savais pas qu’il fallait avoir la tête à ça pour s’enfiler quelques sushis... (Elle s’assied à côté de lui sur le canapé et l’embrasse.) Ce n’est pas comme si je te proposais de me prendre sauvagement, là tout de suite, sur le tapis du salon. (Devant son manque d’entrain) Quel enthousiasme... Je vais commander deux menus d’abord. L’avantage avec les sushis, c’est que ça ne risque pas de refroidir...

Alban – Ce n’est pas comme les cadavres.

Ève marque son étonnement en entendant cette remarque morbide.

Ève – Bon... En attendant la livraison, tu me raconteras tes malheurs et je ferai l’impossible pour te rendre ta joie de vivre... (Elle prend son portable et commence à composer un numéro.) Sucrée ou salée ?

Alban – Quoi ?

Ève – La sauce, pour les sushis ! Sucrée ou salée ?

Alban – Je ne sais pas...

Il se lève et fait les cent pas dans la pièce.

Ève – Une de chaque, comme d’habitude... (À son correspondant) Oui, c’est pour une livraison à domicile. Deux menus California. C’est ça, 9 rue Jules Ferry... Alors une sucrée et une salée. Très bien, merci... (Elle range son portable.) Dans une demi- heure... Allez, viens t’asseoir à côté de moi. Maman va s’occuper de toi... (Elle déplace un coussin pour lui faire une place, aperçoit la chemise ensanglantée qui dépasse et la tire vers elle.) Qu’est-ce que c’est que cette horreur ? Qu’est-ce qui s’est passé ici ? (Voyant le sang sur ses mains) Tu t’es blessé ?

Alban – Non, je... Ce n’est pas ma chemise, et ce n’est pas mon sang non plus...

Ève – C’est le sang de qui, alors ?

Alban – Écoute, Ève, je crois que j’ai tué quelqu’un...

Ève – Tu crois ? Qu’est-ce que tu racontes ?

Alban – Non, en fait... je ne crois pas... J’en suis sûr...

Ève – Mais enfin, Alban, ce n’est pas possible. On ne tue pas quelqu’un comme ça. Regarde, moi par exemple. J’ai souvent eu envie de tuer ta mère, et je ne l’ai pas encore fait. Et tu sais pourquoi ?

Alban – Non...

Ève – Mais parce que je ne suis pas une criminelle, voilà pourquoi ! Je ne suis pas dans la pulsion. Je réfléchis. Je pèse le pour et le contre. Et je me dis que vingt ans de prison, ce serait quand même trop cher payé pour le plaisir que ça me procurerait sur l’instant d’étrangler ta mère.

Alban – Il faut croire que les hommes résistent beaucoup moins bien à leurs pulsions.

Ève – Écoute, Alban, j’en vois tous les jours, des criminels, au Palais de Justice. Et crois-moi, tu n’as pas du tout le profil pour le rôle...

Alban – Je croyais ça, moi aussi... Jusqu’à tout à l’heure.

Ève – C’est une idée pour ta nouvelle pièce !

Alban – Pardon ?

Ève – L’histoire d’une femme qui rentre chez elle après sa journée de boulot, et à qui son mari annonce qu’il a tué son amant ? Tu veux tester ton idée sur moi, c’est ça ?

Alban – Putain, Ève, j’ai tué quelqu’un, comment il faut te le dire pour que tu me crois ?

Ève – C’est qu’il ne suffit pas de se prétendre assassin, tu sais ? Il faut encore le prouver.

Alban – Ah oui... ?

Ève – Si tu savais le nombre de gens qui s’accusent à tort d’un crime qu’ils n’ont pas commis. Tiens, la semaine dernière, au tribunal, je défendais un scout accusé d’avoir assassiné un curé. Eh bien tu vas rire, mais il y avait une demi-douzaine d’autres louveteaux qui se vantaient de l’avoir tué aussi... Il a fallu que je me batte pour réussir à convaincre le juge que c’était bien mon client le coupable.

Alban – Bon... Et comment tu t’y es prise ?

Ève – C’est très simple... Il n’y a que lui qui savait sous quel arbre il avait enterré le cadavre du saint homme.

Alban – Et alors ?

Ève – Et alors...? Where is the body ?

Alban – Il est à côté dans la cuisine.

Ève semble soudain se rendre compte de la gravité de la situation.

Ève – Dans la cuisine ? Tu plaisantes...

Alban – Tu veux aller voir ?

Ève regarde en direction de la cuisine, hésite, mais renonce.

Ève – Mais... qu’est-ce qui s’est passé ? Et puis c’est qui, d’abord ?

Alban – C’est... Patrick.

Ève – Patrick ?

Alban – Patrick.

Ève – Oh, non... Pas Patrick...

Alban – Tu aurais préféré que j’assassine quelqu’un d’autre ?

Ève – Oh mon Dieu, Alban... Dis-moi que ce n’est pas vrai...

Alban – J’aimerais bien... Malheureusement...

Ève – C’est une blague, c’est ça ?

Alban – C’est sa chemise que tu as entre les mains. Regarde... Il y a ses initiales gravées sur les boutons de manchette.

Ève jette un regard halluciné sur les boutons de manchette.

Ève – P. S. ...

Alban – Patrick Sanchez. D’ailleurs, on ne connaît personne d’autre qui met encore des boutons de manchette à part le jour de son mariage.

Ève – Mais enfin Alban... pourquoi ?

Alban – C’était un accident...

Ève – Un accident ? Tu veux dire... un accident domestique ?

Alban – On peut appeler ça comme ça, oui...

Ève – Développe ! Tu taillais les haies dans le jardin, tu n’as pas vu qu’il était juste derrière en train de pisser, et tu lui as tranché... la carotide ? Si c’est quelque chose comme ça, t’inquiète pas, ce n’est pas un crime. Avec un bon avocat...

Alban – Hélas, ça ne s’est pas vraiment passé de cette façon-là...

Ève – Comment ça s’est passé, alors ?

Alban – Disons plutôt que c’était... un homicide involontaire.

Ève – Comment ça involontaire ?

Alban – On a eu une discussion.

Ève – Une discussion ? Tu veux dire une dispute ?

Alban – Oui, c’est ça... Une dispute, si tu veux...

Ève – Une violente dispute, donc...

Alban – Assez violente pour que je le tue, en tout cas. Mais j’ai déjà l’impression de répondre à un interrogatoire.

Ève – Pardon... Déformation professionnelle.

Alban – Ce qui est sûr, c’est que je l’ai tué.

 

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